Affûtage à l’approche d’un objectif

Par Jean Baptiste QUICLET - Entraîneur cycliste professionnel

Ces dernières semaines, vous avez accumulé les kilomètres et enchaîné les séances, certaines ayant été longues, d’autres intenses. L’objectif pour lequel vous vous préparez avec tant d’application et de rigueur approche sérieusement. Dans une poignée de jours, vous serez effectivement sur la ligne de départ, prêt à en découdre. Ces derniers instants de préparation doivent donc être abordés avec attention, avec un objectif en tête : s’affûter !

Définition

Dans le milieu de l’entraînement, le terme d’affûtage revêt deux sens : il peut être utilisé pour définir une perte de poids (‘’je m’affûte pour mieux grimper’’) ou pour désigner la période de préparation pré-compétitive. C’est le second sens auquel nous allons nous intéresser dans cet article.

Le contexte

L’épreuve pour laquelle vous vous préparez depuis tant de semaines va être, nous n’en doutons pas, exigeante : l’effort va être long et intense, se déroulant en altitude, dans la chaleur ou sous une pluie battante, dans le froid, etc. Cette contrainte va donc vous imposer d’être en pleine possession de vos moyens, tant physiques que mentaux. Vous devez donc vous présenter avec des niveaux optimaux de forme et de fatigue. La condition physique, vous l’avez, car vous vous êtes astreint à une dure préparation, vous êtes donc confiant. Par contre, concernant la fatigue, vous doutez, fortement même, car vous vous sentez fatigué, ‘‘usé’’ par tous les efforts déployés ces dernières semaines. Cette lassitude commence même sérieusement à vous inquiéter. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’affûtage.

Une durée, un objectif

L’affûtage répond à une double problématique : maintenir (voire élever) la condition physique tout en résorbant la fatigue induite par les dernières semaines de préparation. L’affûtage doit donc être ni trop long ni trop court : vous ne devez pas perdre en forme mais vous devez quand même suffisamment récupérer pour espérer être performant à l’issue de cet affûtage. Ces conditions posées, une semaine d’affûtage voire une dizaine de jours suffisent. Une durée supérieure ferait courir le risque de perdre en forme (et en confiance). Evidemment, cette durée doit être modifiée en fonction de la fatigue ressentie, de l’entraînement réalisé, si l’objectif est unique ou si plusieurs compétitions vont s’enchaîner, etc. Une semaine seulement d’affûtage Sept jours suffisent en effet mais à la condition que vous ayez allégé pendant une dizaine de jours la charge de votre entraînement un mois environ avant votre objectif. Ainsi, même si vous refaites du volume par la suite, même proche de la compétition préparée, votre fatigue restera raisonnable, suffisamment pour qu’une semaine d’affûtage permette la résorption de la fatigue générée et ce, sans perdre en forme.

Durant cet affûtage, la charge globale de votre entraînement doit être sensiblement réduite. Par exemple, si vous roulez habituellement 400 km par semaine, seuls 200 suffisent pendant la semaine d’affûtage. Parallèlement à cette réduction drastique du volume, vous devez maintenir un travail intense afin de ne pas perdre en forme (et garder confiance), réalisé sous forme d’intermittent à des intensités supérieures à 92% FC max (Zone 5). Ce travail intense, vous n’allez pas le réaliser à chaque sortie mais une séance sur deux.

Votre affûtage doit évidemment s’adapter au contexte, lequel n’est jamais le même. Il n’existe donc clairement pas de semaine-type de préparation, soi-disant idéale et à reproduire, pour performer. C’est vous qui devez quotidiennement tenir compte de vos niveaux de forme et de fatigue, de vos contraintes (professionnelles, familiales), des conditions météorologiques, etc.

Récupérez sans culpabilité

Beaucoup de coureurs vivent mal (très mal même pour certains) cette période de récupération précédant un objectif. Ils ressentent un mal être général, ils se sentent coupables de ne pas durement s’entraîner, ils éprouvent des craintes, celles notamment de perdre les acquis d’une longue préparation et de prendre du poids, bref, ils perçoivent cette période comme globalement stressante et négative. Or, ces ultimes jours de préparation devraient au contraire être un moment privilégié de décompression pour aborder de manière optimale l’objectif à venir car durant de longues semaines, vous vous êtes astreint à un dur entraînement, réalisé dans des conditions météorologiques difficiles, en ‘’jonglant’’ avec diverses contraintes (professionnelles, familiales…). Ces quelques jours de récupération doivent donc vous permettre de ‘‘recharger les batteries’’ et ainsi être prêt à en découdre.

Prenez du bon temps durant ces quelques jours d’affûtage mais n’anéantissez pas en quelques jours tout le travail accumulé par négligence ! Vous devez restez concentré sur votre entraînement, votre alimentation, votre sommeil, etc.

Récupérer, oui, mais pour quels progrès

Vos performances ne vont évidemment pas décoller à l’issue de ces quelques jours. Un affûtage réussi permet effectivement un gain de performance de 5 % environ. Seulement 5 % Ces progrès sont loin d’être négligeables : sur une heure d’effort, la grimpée d’un long col par exemple, combien de minutes allez-vous gagner avec 5 % de progrès !

Nombreux sont les coureurs qui, parce que dimanche c’est compétition, changent radicalement certaines de leurs habitudes les ultimes jours de préparation : ils s’étirent davantage, se couchent plus tôt, boivent de grandes quantités d’eau, etc. Ne commettez pas ces erreurs : l’organisme déteste les brusques changements ! S’affûter est une affaire personnelle, il n’existe ni séance incontournable, ni durée idéale. Vouloir reproduire l’entraînement de tel ou tel ‘‘champion’’ est donc une erreur. Vous devez adapter votre entraînement en fonction du contexte qui est le vôtre.

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