Comment gérer vos sorties longues en cyclisme ?

Par Jean Baptiste QUICLET - Entraîneur cycliste professionnel

Vous êtes nombreux à penser que pour préparer une épreuve, vous devez nécessairement en passer par la réalisation de sorties longues. Si ces séances sont incontestablement d’une grande utilité en préparation d’une épreuve de longue distance, savoir les gérer est primordial pour ne pas accumuler une fatigue excessive.

Quelle durée ?

Qualifier une sortie de longue est impossible en première intention car c’est l’individu et le contexte qui permettent de le faire :

  • Un cycliste doté d’une forte expérience parlera d’une sortie longue à partir de quatre heures d’effort alors qu’une personne qui roule peu la considérera comme telle dès la deuxième heure de pratique. L’organisme du premier a développé certaines adaptations qui font qu’une même contrainte génère une fatigue de moindre ampleur après plusieurs semaines d’entraînement. Ces progrès vont alors le contraindre à augmenter régulièrement la charge de son entraînement afin de générer une fatigue de même ampleur.
  • Une séance ne génère pas une fatigue de même ampleur selon le moment de la journée, du cycle et de la saison à laquelle elle est réalisée : rouler trois heures est plus fatiguant après plusieurs jours d’entraînement qu’après une semaine de récupération.
  • Le contexte doit également être pris en compte : réalisée après plusieurs repas riches en glucides, une sortie induira une fatigue de moindre ampleur que la même séance réalisée avec de faibles réserves de glycogène.
  • Une sortie de trois heures peut être qualifiée de longue si elle est réalisée seul, avec un vent de face, alors que sans vent et en groupe, il faudra rajouter deux heures pour atteindre le même état de fatigue.

Vous l’aurez compris, c’est bien l’ampleur de la fatigue générée par la séance (la charge interne) qui permet de la qualifier de longue ou pas et non la charge externe, c’est-à-dire le travail réalisé : rouler deux heures dans un contexte de pré-fatigue est autant voire plus bénéfique en terme de progrès qu’une sortie longue de trois heures réalisée dans un état de fraicheur physique.

Ainsi, même si vous avez peu de temps à consacrer à votre entraînement, vous pouvez espérer progresser en jouant sur le contexte de réalisation (réserves de glycogène, altitude, etc).

Pourquoi des sorties longues ?

Les épreuves de longue durée générant de nombreux et profonds bouleversements au sein de l’organisme, le corps doit être soumis à des contraintes de mêmes ampleurs régulièrement. Il gardera ainsi en mémoire les réponses apportées et répondra alors plus rapidement et plus efficacement lorsqu’il les rencontrera de nouveau. Les sorties longues présentent un autre intérêt : apprendre à gérer la fatigue. Or, cette gestion n’est pas naturelle, elle ne va pas de soi : c’est en la ‘‘subissant’’ préalablement que vous apprendrez à la prévenir, la reconnaître et à performer malgré sa présence. Les sorties longues sont utiles pour préparer les épreuves de longue durée mais il ne faut pas non plus en abuser car la fatigue générée peut ne pas être intégralement résorbée le jour de la compétition.

Une fatigue dont il faut se méfier

La fatigue générée par les sorties longues s’explique par :

La baisse des réserves d’énergie :

Le glycogène (le glucose stocké dans le foie et les muscles) est le principal substrat énergétique de l’organisme à l’effort. Ses réserves étant faibles, une heure et demie d’effort soutenu suffisent à les dépléter. Or, la réalisation d’un effort avec de faibles réserves de glycogène majore la fatigue, laquelle est due à une inflammation locale et à des dommages structuraux.

Une ’‘attaque’’ radicalaire :

L’organisme, pour subvenir à ses besoins énergétiques, recourt à l’oxygène présent dans l’atmosphère. Bien que la majeure partie de cet oxygène soit utilisée pour fournir l’énergie, 5 % environ vont être détournés et générer des radicaux libres oxygénés. Ces espèces réactives, en faible quantité, ne posent pas problème. Au contraire, elles vont permettre le déroulement de réactions qui nous sont bénéfiques. Le problème apparaît lorsque ces radicaux libres oxygénés s’accumulent, l’organisme n’arrivant pas à les prendre en charge. Or, rouler sur une longue durée, a fortiori dans des conditions particulières (chaleur, pollution, hypoglycémie, etc), génère la production d’une grande quantité de ces espèces réactives.

Une baisse des défenses immunitaires :

Rouler s’accompagne de la libération d’hormones du stress, des molécules utiles à l’effort car elles mobilisent les ressources énergétiques de l’organisme. Ces hormones sont utiles à l’effort, par contre, si elles perdurent, elles vont affaiblir l’immunité. Cette immunosuppression étant particulièrement sensible à l’issue d’un effort de longue durée, expliquant alors les fréquents troubles dont souffrent les coureurs en fin de préparation (après plusieurs sorties longues réalisées et majorés par le stress pré-compétitif) : sphère ORL, herpès, etc.

Une fragilisation des intestins…

Les sorties longues fragilisent un organe dont personne (ou quasi…) ne se soucie : les intestins. A l’effort, le débit sanguin est détourné des viscères au profit des muscles et de la peau. Cette ischémie, lorsqu’elle dure et qu’elle se répète, altère la muqueuse des intestins. Or, une muqueuse intestinale fragilisée devient poreuse, elle ne joue donc plus son rôle de filtre, laissant alors pénétrer dans l’organisme des molécules qui ne devraient pas s’y trouver, d’où l’apparition de troubles digestifs (s’accompagnant de déficits voire carences nutritionnels) et au-delà (sphère ORL, tendinite, etc).

Pour faciliter la récupération d’une sortie longue

Afin de ne pas traîner la fatigue liée à une sortie longue, vous pouvez:

    • Vous abstenir d’ingérer des anti-inflammatoires car ces médicaments retardent la récupération en bloquant l’inflammation ! Or, ce processus est indispensable à une récupération de qualité.
    • Enfiler des chaussettes de contention,
    • Vous plonger dans un bain d’eau froide,
    • Vous nourrir correctement : huile de cameline, chanvre ou colza, épices, poissons des mers froides, légumes, fruits (baies en particulier) doivent être aux menus. A l’inverse, supprimez les aliments contenant beaucoup de sucre et de ‘‘mauvaises graisses’’ : sodas, viennoiseries, plats préparés, céréales, etc.
    • Dormir !
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