Les principales clés pour réussir en trail

Par Guillaume Millet - Professeur en physiologie du sport et Auteur de Ultra-trail, plaisir, performance et santé – Outdoor Editions

Vous êtes unique de par vos gènes, votre âge, votre passé sportif votre sexe, votre niveau de performance … Il est donc impossible de donner un plan d’entraînement adapté sans connaître l’athlète, ses conditions de vie (travail, famille) et son environnement. Il ne sert absolument à rien de copier les plans d’entraînements des meilleurs ou même d’autres coureurs de même niveau que vous mais dont les conditions professionnelles et familiales sont autres. Tous les bons entraîneurs en font le constat.

C’est à partir de l’analyse de vos qualités d’une part et de vos possibilités d’entraînement d’autre part (temps disponible pour l’entraînement et la récupération, facilité d’accès à du dénivelé, etc.) que vous construirez votre entraînement. Tout seul comme un grand ou avec l’aide d’un tiers, mais celui-ci doit absolument connaître vos conditions de vie, vos envies, vos objectifs.
Votre entraînement dépendra donc aussi de vos points faibles et de vos points forts. A titre d’exemple, voici en étant très schématique, ce qu’il est probable qu’un athlète ait à travailler en fonction de son passé sportif (1 croix : qualité à entretenir / 2 croix : qualité à développer / 3 croix : priorité dans l’entraînement) :

 

Qualités à travailler
V02 max EnduranceCoût énergétique (1)Résistance musculaireTechnique bâtons (2)ForceMental
Ski de fond, ski-alpinismeXXXXXXXXXXX
Raid multisportsXXXXXXXXXX
Vélo (compétition)XXXXXXXXXXXXXX
Passé SportifCyclo-tourismeXXXXXXXXXXXXXXXX
Athlé (piste, cross)XXXXXXXXXXXXXX
MarathonXXXXXXXXXXXXX
Sports collectifsXXXXXXXXXXXXXXX
Aucun sportXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

 

Pour vous guider dans les grandes lignes de votre préparation annuelle, voici quelques clés de l’entraînement nécessaires à connaître pour préparer un trail ou un ultra-trail :

La progressivité :

La progressivité doit se faire dans les objectifs visés. On ne part sur l’UTMB que lorsque l’on se sent prêt pour cela, pas parce que « ça fait bien ». Mais la progressivité, c’est aussi dans les charges d’entraînement. Pour respecter une certaine progressivité, encore faut-il pouvoir mesurer sa quantité d’entraînement. Les cyclistes et les marathoniens raisonnent en général en nombre de kilomètres parcourus. En trail, on compte plutôt le nombre d’heures. Cela permet d’intégrer les autres disciplines, le dénivelé et la difficulté du terrain. Il est donc utile de tenir à jour un carnet d’entraînement où vous noterez ces données chiffrées, des variables qualitatives (types d’entraînement, type de terrain) ainsi que d’autres indices tels que la fréquence cardiaque de repos, vos sensations, les épisodes infectieux, la météo, votre poids, etc. Si tout cela vous ennuie, ce n’est pas indispensable mais essayez de noter au moins les heures d’entraînement. Dix pour cent d’augmentation par an, pas plus, semble un bon chiffre. Ça vous permettra de calculer en combien d’années vous pourrez vous entraîner autant que Kilian Jornet qui fait 1000 h / an ! Rassurez-vous, Thomas St-Girons ne fait que 300 h par an, ça ne l’empêche pas de faire d’excellents résultats.

L’individualisation :

C’est ce que nous avons rappelé ici en introduction, vous êtes unique de par vos gènes, votre âge, votre pratique antérieure, votre sexe, votre niveau, vos conditions de vie, etc. L’individualisation, c’est aussi écouter ses envies. Par exemple, le breton Patrick Lothodé, plusieurs fois sur le podium aux Templiers, n’est pas attiré par les distances supérieures aux Templiers car cela impose de beaucoup marcher en montée. Or lui, ce qu’il aime, c’est courir. Idem pour Gilles Guichard.

Que l’entraînement ne puisse être commun à tous ne signifie pas que chacun doive s’entraîner dans son coin : il existe une panoplie d’astuces pour que des personnes de niveaux différents puissent courir ensemble. Si vous êtes plus fort que vos petits camarades ou que vous voulez vous entraîner avec votre épouse (sauf si vous êtes marié avec Paula Radcliffe), vous pouvez :

  • partir plus tôt et retrouver les autres après une ou deux heures seul(e)
  • faire une deuxième séance, plus spécifique, dans la journée et considérer la première séance comme du volume à allure lente
  • retrouver les autres pour l’échauffement et la récupération
  • porter un peu de leurs affaires dans votre sac (ou vous lester avec des cailloux)
  • lors des rando-course, utiliser un élastique pour tracter un partenaire comme sur les raids aventures
  • faire des séances d’interval-training sur piste ou sous forme d’aller/retours en côtes
  • pratiquer le bike and run
  • acheter un tandem

La spécificité :

Ce principe d’entraînement est très simple : l’entraînement doit de plus en plus ressembler à la compétition au fur et à mesure que l’on s’approche de celle-ci. En pratique, une possibilité est de réaliser un gros travail foncier (par exemple de deux mois) avant d’ajouter progressivement du travail de qualité, plus intensif. A mon sens, ce n’est pas la bonne manière de procéder en trail. Il est préférable de réaliser le travail de développement de la VO2max d’un côté et de la musculation de l’autre, assez tôt dans la saison et de diminuer les intensités à l’approche des premiers objectifs en passant sur du travail au seuil (pour du trail court) ou à vitesse spécifique (week-end chocs, pour de l’ultra-trail).

L’alternance :

L’un des principes fondamentaux de l’entraînement est de surprendre l’organisme. Ce n’est bon ni pour votre corps, ni pour votre tête de répéter tous les jours la même chose. Variez les parcours, les types de terrains, les partenaires d’entraînement, les horaires, les types de séances et leur durée, les sports, etc. Variez aussi les compétitions. Pourquoi refaire toujours les mêmes trails ? Le calendrier est si riche. Pourquoi même ne pas aller voir du côté d’autres sports comme le raid multisports ou les raids orientations ?
Mais l’alternance, c’est surtout entre travail et repos. C’est même sans doute le principe-clé de l’entraînement. Il est indispensable de respecter des temps faibles, c’est-à-dire des moments de récupération, relative ou complète. Le corps en a besoin, par exemple pour régénérer les fibres musculaires mises à mal par les longues courses en descente. Ou pour que le système immunitaire retrouve sa vigueur ou encore pour refaire les stocks énergétiques.

En pratique, il est bien d’avoir une journée au minimum de repos systématiquement chaque semaine. De la même façon, il est bien de placer chaque mois une semaine où vous allez baisser pied sur le volume d’entraînement (cf schéma ci-dessous), en particulier sur le nombre de kilomètres courus. Ce sera en particulier le cas avant chaque couse. On l’a vu, l’alternance c’est aussi prévoir des coupures annuelles (au moins une longue).

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