Comment gérer ses sorties longues ?

Par Christophe Malarde - Entraîneur Trail et auteur du Guide du Trail et de la course nature

Lorsque l’on fait du trail et de l’ultra, on est par définition amené à courir de longues distances et passer de longues heures dehors. Classiquement, l’un des piliers de tous les plans d’entraînement est la sortie longue du dimanche. Quel est l’intérêt de cette sortie ? Comment doit-on la gérer ? Je vous propose d’en balayer les grands enjeux.

Faire du footing pour trois fonctions

Le footing à allure modérée fait partie de toutes les préparations. On le nomme aussi dans la littérature footing en endurance fondamentale. Que l’on soit coureur de 10 kilomètres, marathonien traileur ou ultra traileur, il est la base de l’entraînement du coureur. Ce footing couru entre 50 et 75% de sa VMA(Vo2max) a plusieurs objectifs. Le premier est de poser et développer son endurance, son foncier. C’est le pilier de notre préparation. Avant de vouloir courir 50 kilomètres vite, occupez vous en premier lieu de courir cette distance sur une semaine, puis 4 jours, puis 2 jours. C’est la première étape avant de commencer un quelconque travail d’allures.

La seconde fonction du footing, c’est justement sur cette période de travail spécifique, d’assurer la transition, et la récupération entre deux séances plus qualitatives.

Enfin le footing est aussi utilisé sur chacune des séances intensives pour l’échauffement, les périodes de récupération entre deux fractionnés et pour le retour au calme. Autour de ces trois fonctions, et selon votre typologie de course, le footing prend une place plus ou moins importante.

Si vos temps de course en compétition n’excèdent pas l’heure (Coureur de 10/15kil), votre base foncière n’a pas besoin d’être énorme. Vous ferez des footings de 1h à 1h30 max. Par contre, la différence entre vos allures footings et votre allure de compétition sera significative. Il vous faudra donc faire du travail en fractionné. Le footing interviendra donc aussi dans la fonction 2 et 3 notamment par des footings de transition de 45′ entre une séance de VMA et une séance seuil par exemple.

Mais lorsque vous êtes traileur, la donne change un peu. La place du footing sera plus grande dans votre préparation. Courir des heures dans la nature nécessite d’avoir  » de la caisse  ». Vous ferez donc beaucoup plus de footings et souvent bien plus longs. Votre base foncière s’étoffera donc par plus de sorties et des sorties plus chronophages. Celà devra être assez significatif dans votre volume hebdomadaire d’entraînement ! Il ne suffit pas d’augmenter sa sortie longue du dimanche, il faut globalement augmenter tout son volume au cours de la semaine..,passer par exemple de 1h à 1h30 sur des footings de transition, passer son échauffement avant une VMA de 20′ à 40′ et son retour au calme de 10′ à 20′. C’est aussi cette globalité qui vous permettra de développer votre foncier.

Vous courez moins vite en compétition qu’à l’entraînement…

Passé cette étape  »foncière », il vous reste à vous attaquer à la partie spécifique de l’entraînement. Celle qui vous permettra par les aptitudes développées de s’approcher au plus près des conditions de course ou en tout cas d’y être préparé. Sur un 10kil, c’est facile. On fractionne la distance, on court quelques secondes plus vite et on travaille au plus juste. En trail, nous pourrions faire la même chose mais le gros soucis est que votre vitesse de course (pour des trails supérieurs à 5h) est cette fois inférieure à votre vitesse de footing …et même si vous faîtes une sortie longue de 3h le dimanche matin.

C’est d’autant plus vrai si vous habitez en plaine et que vous avez programmé un trail en montagne. Vous devez donc en partie apprendre à courir lentement…cela peut paraître un contre-sens dans l’entraînement mais pourtant c’est sur cet aspect de la préparation que les coureurs se grillent les ailes…en faisant chaque dimanche, une sortie longue équivalente à un trail dans son intensité. Comment peut-on éviter cela tout en travaillant les spécificités de votre futurs trails à savoir dompter la distance, le dénivelé, caler son matériel, ses ravitaillements, ses schémas mentaux pour le jour J n’être surpris par rien ?

1- Limiter sa sortie en intensité en posant une limite cardiaque. A tous mes athlètes, quelque soit leur niveau, je demande systématiquement lors des sorties longues de ne jamais dépasser 75% de leur fréquence cardiaque de réserve, même en côte ! C’est une limite pas une moyenne. Le plus souvent ils soutiendront des allures de 60/65% de leur FC réserve. Ils seront peut-être obligés de marcher mais cela m’importe peu. Ils travaillent dans un registre doux, qui va les amener loin dans leur sortie et qui va leur permettre de rentrer à la maison avec le sourire et ne pas passer le reste de la journée à récupérer dans le canapé. Vous voyez de quoi je parle..;-).

2- Car le lendemain il faut repartir. La sortie longue est un entraînement parmi tant d’autres et qui ne doit pas être invalidant pour la suite de la préparation. C’est sur cette sortie que l’on risque par des intensités trop hautes d’enclencher le début des fatigues chroniques et des blessures. Par contre, avoir la capacité d’enchaîner avec de la disponibilité physique et mentale est un vrai gage d’une préparation réussie. Donc cool mais souvent ! Utiliser de temps en temps, les fameux week-end choc où sur un temps réduit vous ferez un gros volume. Ces blocs ne seront réussis que si vous savez vous gérer dans la durée.

3- Faire une vraie rando-course où la marche n’est pas là par défaut parce que l’on ne peut plus courir. Pour préparer un ultra, et pour un athlète qui ne vise pas le top 20, je préfère le voir passer sa journée à marcher dans la montagne avec un sac à dos de randonnée et ses bâtons que le voir faire une sortie de 3h tout en courant. Les deux ne sont pas incompatibles, mais afin de travailler les conditions spécifiques, la première sortie sera plus utile que la seconde. Vous travaillerez musculairement (avec la charge du sac), vous dompterez la dimension temps, vous testerez le matériel (notamment le textile), vous appréhenderez le milieu et apprendrez à vous adapter.

4- Utiliser le vélo de temps en temps pour les longues sorties. Vous ferez un travail cardiaque doux (Fréquence plus basse qu’en course à pied) et vous travaillerez également la dimension mentale dans l’effort. Vous vous préserverez aussi musculairement. Sur certaines périodes c’est bien, à d’autres moments les sorties longues à pied sont aussi là pour  »casser de la fibre ». Donc on ne peut pas tout faire à vélo. De la même façon, une stratégie alimentaire infaillible sur le vélo peut voler en éclat en trail avec les ondes de chocs sur le système digestif. Il faut donc la valider à pied ! Les sorties longues servent aussi à çà !

A la fin de cet article, et en relisant son intitulé, j’aurais presque envie de vous dire que :  » Gérer ses sorties longues  » est un pléonasme. Sans gestion pas de sorties longues ! En tout cas, n’ayez pas peur d’en faire moins sur cette session. Vous faîtes du trail pour être dans la nature, pour vivre mais aussi observer les paysages. Prenez le temps de lever la tête, partez à la découverte, lâchez le chronomètre, pour juste vivre la sortie. Attendez vos copains au lieu de vouloir les lâcher à chaque bosse…et vous rassurer sur votre état de forme ! Bref prenez le temps ! C’est le bon moment et je ne vous le dirai que pour ce type d’entraînement 😉

Bon run !

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